L’écrivain n’est pas un professeur de morale, écrit Büchner dans une lettre, faisant savoir ainsi que si une pièce traduit toujours un point de vue, elle n’est pas pour autant la matérialisation d’une voie (et d’une voix : celle de l’écrivain supposé savoir). Projetée au présent, cette distinction recoupe celle que fait Georges Didi-Huberman entre prise de parti et prise de position. Cette distinction me paraît capitale pour garder au théâtre sa visée politique et simultanément pour ne pas instrumentaliser cette visée, pour ne pas la durcir en un point de maîtrise qui ne laisse plus au spectateur que la posture de la soumission à l’idéologie défendue ou à son rejet. Le livre de Didi-Huberman sur Brecht Quand les images prennent position me paraît de ce point de vue tout à fait convaincant.
Jean-Marie Piemme, Accents toniques, Journal de théâtre 1973-2017, Editions Alternatives théâtrales, 2017, page 275
RC
Si je te comprends bien, tu pointes le fait qu'un point de vue développé dans une œuvre est plus un champ de questions qu'une posture et doit plus pousser le lecteur/auditeur/spectateur à rentrer dans le débat que lui imposer une idée immuable, c'est ça?
JMP
Exactement. L’œuvre doit être un matériau ouvert, pas un message. Ce matériau ouvert peut procéder de points de vue sur le monde ou sur le théâtre ou sur le rapport entre les deux. Il ne doit jamais virer à la démonstration, au prêche, à la leçon donnée d’en haut.